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Ce documentaire revient sur la résistance nationaliste de l'UPC, créée au Cameroun en 1948, et sa répression politique et militaire
par la France jusqu'en 1971, classée secret d'Etat.
Derrière l'imagerie officielle de l'indépendance du pays et de la construction de la "Françafrique" se cache une autre réalité : une guerre qui a fait plusieurs centaines de milliers de victimes...
1955-1970. Pendant que les médias suivent les guerres d'Algérie et du Vietnam, une autre, couverte par le secret d'Etat, fait rage au Cameroun. Coup de projecteur sur ce conflit méconnu mais brutal pendant lequel la France cherchait à assurer son indépendance énergétique.
Ce film prouve une nouvelle fois que la décolonisation pacifique de l'Afrique noire est un mythe. Bombardements au napalm, massacres de population… la guerre secrète menée au Cameroun fut d'une brutalité inouïe.
En filigrane, c'est l'indépendance énergétique de la France qui se joue : le général de Gaulle voit dans ce pays le moyen d'échapper à la mainmise anglosaxonne sur le pétrole. Et cela à tout prix, comme le montre cette enquête qui feuillette les pages les plus noires de l'histoire coloniale et néocoloniale de la France de 1948 à 1991. Pour contrôler ce pays, il s'agit d'abord d'éradiquer l'UPC, un parti très populaire qui réclame l'indépendance. Pierre Messmer, Charles de Gaulle et Gaston Defferre font alors appel aux "casseurs de Viets", commandos qui se sont tristement illustrés au Vietnam, pour mener cette lutte antiguérilla.
Dix pour cent de la population camerounaise y laissera la vie ! En 1960, le pays obtient l'indépendance. Mais, sous le régime du président Ahidjo, les massacres perdureront pendant vingt années. Ici, les réalisatrices mettent au jour les réseaux de la "Françafrique" : des liens tissés entre les chefs d'Etat africains, l'Elysée, Elf, les services de renseignements et les barbouzes qui sont alors à leur apogée. Un clientélisme bien particulier qu'Omar Bongo, président du Gabon, résume ainsi : "L'Afrique sans la France, c'est une voiture sans chauffeur; la France sans l'Afrique, c'est une voiture en panne d'essence."
Aujourd'hui, le pays, qui vient de rejoindre le groupe des pays pauvres très endettés, reste très corrompu et ne publie toujours pas les chiffres de sa rente pétrolière. La mission militaire française au Cameroun, elle, reste classée secret défense pour cent vingt ans…
Un film de Gaëlle LE ROY et Valérie OSOUF
France, 2008, Documentaire, 52 minutes
avec Aïssa Maïga (Voix Off), Pierre Messmer
Thémes : Histoire | Cameroun | France | Violence | Massacres | Gouvernement | Patrimoine | Colonialisme
Titre original : Cameroun, Autopsie d'une Indépendance
Type : Documentaire
Genre : Historique / Guerre / Documentaire historique
Année de production : 2008
Format : HDV
Couleur : Couleur et NB
Pays de production : France
Lieux de tournage : Cameroun / France
Durée : 53'30''
Date de sortie (Diffusion télé) : 23 juin 2008 (chaîne France 5)
NOTE DE LA PROGRAMMATRICE
Le 1er janvier 1960, le Cameroun accédait à l'indépendance et s'émancipait, officiellement sans heurt, de la tutelle française. Dans les faits, c'est une tout autre histoire qu'exhument Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf. Historiens, politiques et victimes d'une sanglante répression orchestrée depuis Paris témoignent.
C'est une guerre dont on ne parle jamais. Du milieu des années 50 à la fin des années 70, la décolonisation du Cameroun s'est faite dans la violence… en silence.
Contrairement à l'Indochine ou à l'Algérie, rares sont ceux qui ont eu vent de la tragédie qui s'y est jouée, "comme s'il y avait une chape de plomb sur l'Afrique noire. Au fond, il ne s'est peut-être rien passé parce qu'il n'y a pas d'hommes là-bas. C'est une question que l'on peut vraiment se poser : on ne peut pas faire une tempête dans un verre d'eau parce que des nègres ont été massacrés...", pointe Moukoko Priso, secrétaire général de l'UPC (Union des populations du Cameroun).
Son parti, créé en 1948 par Ruben Um Nyobé, est le principal mouvement d'opposition au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Se dressant contre les petits arrangements qui laissent son pays sous la coupe française, ses hommes vont payer un lourd tribut.
Trente mille morts, cinq cent mille, peut-être davantage : les décomptes sont flous, même pour les historiens. En 1952, Um Nyobé part plaider la cause de l'indépendance à la tribune de l'ONU. A Paris, c'est la panique : pas question que cette partie de l'Afrique équatoriale ne bascule dans le camp communiste. L'UPC est dissous. Condamnés à la clandestinité, ses militants sont traqués, torturés, assassinés.
Um Nyobé tombe sous les balles de l'armée coloniale en 1958. Il sera interdit de prononcer son nom au Cameroun jusqu'en… 1991. Haut-commissaire de la République au Cameroun entre 1956 et 1958, Pierre Messmer, décédé depuis, se justifie face à la caméra : "Nyobé faisait régner la terreur. J'ai décidé de lui faire la guerre et de l'éliminer. Il refusait l'autonomie interne, il refusait la démocratie, donc il se mettait hors la loi et il le savait."
Dans l'ombre, la main de la France…
La proclamation de l'indépendance n'a pas signé, loin de là, la fin des combats. En novembre 1960, Félix Moumié, le successeur de Um Nyobé, connaît le même sort : en exil à Genève, il est empoisonné par un agent des services secrets français. Aujourd'hui, sa veuve accuse : "Le général de Gaulle a tué mon mari."
Autopsie d'une indépendance
Pendant des années, les indépendantistes de l'UPC sont pourchassés et abattus. Pour le général Pierre Semengue, ancien chef d'état-major de l'armée camerounaise, les choses sont claires : "Une partie de l'UPC n'a pas accepté cette indépendance et a continué la lutte. Cette deuxième rébellion a été combattue par l'armée camerounaise. Encadrée au départ par les officiers français, puis au fur et à mesure par des officiers camerounais."
Pour avoir le champ libre dans la brousse où les maquisards se cachent, l'armée va jusqu'à parquer quatre cent mille civils dans des camps. Comme au Vietnam, du napalm aurait été largué. D'un revers de main, Messmer dément mollement : "Ce n'est pas important..."
Pour ses richesses naturelles, son pétrole et ses forêts, il n'a, semble-t-il, jamais été question de laisser le Cameroun quitter tout à fait le giron français.
Si les deux journalistes n'abordent pas la situation d'extrême tension que traverse de nouveau le pays aujourd'hui, leur enquête a le mérite d'en éclairer, enfin, les causes.
Il faut voir le président Ahmadou Ahidjo (1960-1982) accueillir en grande pompe une poignée de chefs d'Etat africains pour le dixième anniversaire de l'indépendance. Parmi ses hôtes : Mobutu, Bokassa, Bongo. De grands amis de la France, emblématiques de la décolonisation à la française en Afrique subsaharienne…
Christine Guillemeau (France 5)
Réalisatrices : Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf
Scénaristes : Gaëlle Le Roy et Valérie Osouf
Voix Off (Commentaire dit par) : Aïssa Maïga
Image : Gaëlle Le Roy / Thomas Sadi / Rémi Mazet
Son : Valérie Osouf
Montage : Ruben Korenfeld
Musique : Jean-François Viguié
Graphisme : Arthur Le Fol
Assistant : Jonathan Wandja
PRODUCTION :
Program 33
33 rue trousseau 75011 Paris
COPRODUCTION :
France 5
TSR - Télévision Suisse Romande
RTBF - Radio Télévision Belge Francophone
avec le soutien de la Commission nationale de sélection des médiathèques (Images en bibliothèques - Paris, France, 2008) -
DISTRIBUTION
Program 33,
ADAV,
La Maison du doc
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